Saint-Amand on Fongaro (2004)

Fongaro, Antoine. De la lettre à l’esprit. Pour lire Illuminations. Paris: Honoré Champion, 2004. Pp. 446. ISBN: 2-7453-1120-4.

Cet ouvrage constitue la somme d’une série d’articles (revus et corrigés à l’occasion de cette publication) consacrés aux Illuminations rimbaldiennes et parus tout au long de la carrière d’Antoine Fongaro. Si les rimbaldiens confirmés n’y trouveront finalement que peu de nouveauté, cette compilation, en favorisant l’accès à des travaux parmi les plus aboutis et les plus fins concernant le dernier recueil du poète ardennais, est néanmoins largement bienvenue.

La datation des articles de Fongaro permet notamment au lecteur d’accéder à la mise en, branle d’une perspective critique qui, aujourd’hui, peut sembler couler de source, mais qui n’a pas toujours été évidente. Le premier article est à ce titre éloquent, qui, daté de mai-août 1980, est intitulé Lire Illuminations. Fongaro s’y oppose à la fameuse critique de Tzvetan Todorov prétendant à l’illisibilité des cinquante-quatre “fraguemants” rimbaldiens et tente, par une série d’hypothèses qui s’appuient tantôt sur une minutieuse référence intertextuelle tantôt sur la convocation de tel sens étymologique, de montrer que les extraits complexes isolés par Todorov sont compréhensibles.

Partant de ce postulat, Fongaro—et avec lui d’autres, auxquels il ne manque jamais de référer—s’est consacré au débroussaillage de ce recueil complexe. Si quelques prises de positions et lectures laissent quelquefois perplexe (à l’image de l’article intitulé D’une prétendue “poétique du glissement” chez Rimbaud, qui consacre probablement trop de temps et d’énergie à ruiner une hypothèse avancée par André Guyaux, ou de l’exégèse, aux pages 39-44, du premier paragraphe d’Enfance II, au cours de laquelle Fongaro, en voulant y voir une série d’anecdotes relatives à Verlaine, verse peut-être dans ce que Todorov nommait “critique évhémériste”) la plupart des propositions du critique sont aussi précises qu’incontournables. Il faut notamment signaler, chez Fongaro, la capacité à se concentrer sur des faits de texte apparemment minimes (La dernière phrase de Veillées III; Le dernier paragraphe de Mystique; Sur la deuxième phrase de Fairy, etc.), mais desquels l’auteur parvient à mettre au jour le rôle-clef dans le poème duquel ils sont extraits et duquel ils assurent la cohérence.

S’il ne fallait souligner qu’un seul passage de ce volume, il s’agirait de l’excellente Lecture fragmentée d’Après le déluge, aux pages 63-107. En se fondant sur des exégèses antérieures qu’il n’hésite jamais à discuter (notamment certains articles d’Yves Denis) et en dévoilant, à l’aide d’un large faisceau intertextuel, nombre d’allusions métaphoriques qui régissent le texte liminaire d’Illuminations, Fongaro fait admirablement rejaillir toute la portée sociopolitique de ce poème consacré, sous couvert d’une quasi-allégorie, à la Commune. C’est d’ailleurs dans cette perspective que les travaux de Fongaro sont particulièrement porteurs: en accordant, de façon générale, une attention à la façon dont les Illuminations disent le social et le politique, le critique permet de saisir ce qui est, à mes yeux du moins, l’un des enjeux majeurs du dernier recueil d’Arthur Rimbaud.

Denis Saint-Amand
Université de Liège
Volume 37