Laberge on Aurisch and Paul, eds. (2014)

Aurisch, Helga Kessler, and Tanya Paul, editors. Monet and the Seine: Impressions of a River. The Museum of Fine Arts, Houston, Philbrook Museum of Art, Yale UP, 2014, pp. x+164, 84 color and 20 b&w illustrations, ISBN 9780300207835

Monet and the Seine: Impressions of a River comprend quatre chapitres inédits constituant la première moitié, suivis dans la dernière partie d’une série de reproductions en couleurs de cinquante-trois toiles méconnues de Claude Monet, peintes le long de la Seine entre 1864 et 1901 et temporairement exposées au Philbrook Museum of Art de Tulsa en 2014 puis au Museum of Fine Arts de Houston jusqu’en 2015 (8). Il ne manquerait que les toiles réalisées plus tard à Giverny, cet immense domaine-jardin en hommage aux nymphéas, que l’on évoque ici très brièvement (38). Mais tout un ouvrage ne suffirait pas à épuiser ce thème. Ce beau livre en anglais, paru en coédition, n’est pas la traduction anglaise d’un catalogue français puisqu’il n’existe pas en version française. On présume que son titre fait subtilement écho à la toile la plus célèbre du peintre, Impressions, soleil levant (1872), qui selon la légende lança le mouvement de l’impressionisme.

Indéniablement, Monet and the Seine: Impressions of a River est un livre instructif qui permet de suivre l’évolution du jeune Monet, jusqu’à ce que celui-ci ne découvre l’abstraction, au tournant du XXe siècle (30, 95). Le lecteur particulièrement intéressé par cette période subséquente pourra se référer au livre Monet et l’abstraction. Monet and Abstraction, sous la direction de Paloma Alarcó, et al. (Éditions Hazan and Musée Marmottan Monet, 2010).

Les quatre textes actualisent l’art de Monet en l’inscrivant dans des préoccupations actuelles, par exemple dans l’exposé introductif de Michael Clarke qui compare la tradition du paysage peint en France et en Angleterre au cours du XIXe siècle au moment de l’urbanisation grandissante qui avait cours alors en France. En guise d’exemples, l’auteur mentionne fréquemment certaines œuvres méconnues de Monet provenant de fondations privées et de petits musées des États-Unis comme le Musée des Beaux-arts de Portland, dans le Maine, pour tenter de saisir ce moment fatidique où Monet aurait pu “trouver son style,” sa touche incomparable, sa signature inimitable: selon Michael Clarke, ce point tournant serait possiblement survenu à Argenteuil, le long de la Seine, en décembre 1871, juste après la fin de la guerre franco-prussienne (5, 9). Même les lecteurs déjà familiers de l’Impressionnisme feront d’agréables découvertes en contemplant ce livre étoffé qui ne se limite nullement à une simple succession de belles images.

Le chapitre d’Helga Kessler Aurisch est davantage biographique et suit l’évolution stylistique du jeune Monet d’avant l’Impressionnisme, en situant ses premières influences et ses choix de sujets. Ici encore, la sélection de toiles ayant peu circulé (et de ce fait ayant été peu commentées) permet des observations inusitées sur des aspects négligés de l’œuvre de Monet, par exemple son souci de représenter (ou non) la modernité dans ses toiles en montrant un train ou un pont ferroviaire (24). Il en est de même pour les deux chapitres suivants.

Faisant des parallèles parfois inattendus entre l’œuvre et la vie privée de Monet, Richard Brettell montre au troisième chapitre comment certains moments-clés de la vie familiale des Monet ont persisté dans sa mémoire et dans les toiles, surtout entre 1879 et 1901, à une époque où le jeune Monet et sa famille connaissaient l’insuccès et la pauvreté (32, 39). Enfin, proposant peut-être l’exposé le plus inspiré de cet ouvrage, Tanya Paul décrit avec rigueur et précision certaines toiles choisies en les rapprochant de l’art symboliste mais aussi de la poésie de Paul Verlaine et de Stéphane Mallarmé (49–50). Quelques vers traduits en anglais confirment ces correspondances, pour reprendre un terme typiquement baudelairien (47–50). La dernière moitié présente systématiquement chacune des toiles exposées avec en page de gauche une brève analyse et une mise en contexte (53–159).

Avec Monet and the Seine: Impressions of a River, les conservatrices Aurisch et Paul ont accompli, tant sur le fond que sur la forme, un magnifique catalogue centré sur le plus important des peintres impressionnistes. Sur le plan éditorial, les presses de Yale University et le Musée des Beaux-arts de Houston, avec le Musée Philbrook ont réalisé un ouvrage exemplaire, autant par la qualité des reproductions que le format des images, couvrant le plus souvent une pleine page, mais sans déborder. Un index, une bibliographie et une précieuse liste (partielle) des expositions consacrées à Monet complètent ce livre d’art pleinement réussi.